Un petit orgue du mois pour cette rentrée! Ah ça vous manquait...!? Le dernier étant de décembre 2013; donc si je ne veut pas transformer cette page en "orgue de l'année", c'est grand temps!!!
J'ai eu l'idée de cet article en visitant dernièrement le Château de Versailles et notamment les appartements de "Mesdames" , récemment restaurés.
Dans le Grand cabinet de Madame Adélaïde trône un superbe petit orgue de Salon que voici...
Il est indiqué comme étant l'oeuvre du facteur Nicolas Sommer, et daterait de 1747; ce facteur d'orgues aurait reçu la commande de 3 instruments par la famille royale à cette époque.
Quelques recherches sur ce facteur d'orgues ne donnent pas grand chose.
il aurait fait des travaux de réparation sur celui de Saint Etienne du Mont à Paris...
La question est surtout: quel type d'orgue de salon au 18ème siècle!?
Il ne semble pas que ce type d'orgue courrait les rues à cette période-là; on en trouvera beaucoup plus au 19ème siècle; néanmoins, on sait qu'il y en avait, qu'il y a de la musique pour ce type d'instrument, comme les concertos de Corette qui se jouent bien en format petit ensemble de chambre.... ils sont datés de 1756, et nous sommes en plein dans cette époque!
Il y a aussi notre maître à tous, le grand Dom Bédos (1709-1779), qui consacre une part importante dans son 4ème livre du traité "L'Art du facteur d'orgues" (1766-1778) à ces petits orgues de salon ou de chapelle...
L'instrument qui trône dans le grand cabinet de Madame Adélaïde, 4ème fille de Louis XV, rappelle énormément l'orgue que présente Dom Bédos à la Section 4 du chapitre 1 de ce livre, et dont les dessins sont aux tables 81 et 82 ci-dessous représentées.
Cet orgue est de petite dimension, mais néanmoins de 11 jeux sur 2 claviers:
Premier clavier qui actionne les jeux du bas de l'instrument:
Bourdon 8'
Flûte 4'
Nazard
Tierce
Cromorne
Second clavier qui actionne les jeux du haut de l'instrument:
Dessus de Bourdon 8'
Dessus de 8' ouvert
Prestant
Basse de Cromorne
(dessus?) de hautbois
Basson
Un pédalier tire les claviers; beaucoup de basses en bois, dessus en étain...
La composition est bien sympathique, vraiment conçu pour le solo dans un concerto par exemple, ou en continuo; pas de 2' ou de plein-jeu.
Dom Bédos critique son instrument: son défaut c'est le manque de place, donc beaucoup de jeux postés (tiens, ça me rappelle un autre orgue!?), de mauvais accès. Le problème aussi du sommier sous le clavier, c'est le manque de place en hauteur; du coup le maximum est le 1' nous dit-il; le chromorne doit être très coudé, d'où ses dessins de coudages en tous genres!!!
Au moment de la conception de mon orgue, je m'étais posé un peu la même question, car je trouvais dommage de perdre autant de place dessous, mais l'inaccessibilité et la petitesse m'a vite orienté vers la solution de deux sommiers l'un derrière l'autre; cependant, la mécanique du clavier du bas est plus complexe que dans le cas du sommier sous le clavier que l'on foule directement, comme un orgue coffre...
Mais revenons à nos moutons: le petit orgue de Madame Adélaïde.
Visiblement 8 tirants de jeux, donc plus petit que celui de Dom Bédos.
Ces appartements sont constitués d’alcôves, et on voit à travers les tuyaux de montre que la tuyauterie occupe une chambre à l'arrière de cette façade de décors; d'ailleurs est-ce que les tuyaux en Montre sont jouables!?
Par contre pas de pédalier (pour la présentation muséographique!?)
Je le trouve vraiment très beau et si bien intégré à la décoration du salon; c'est si rare un buffet d'orgue d'esthétique identique à son écrin!!!
Sur cette photo de détail, on peut voir les autres instruments sensés accompagner cet orgue... Traverso, tambourin, hautbois, viole...
J'ai vu aussi de nombreux clavecins dans le château (Ruckers, Taskin....).
Et pour terminer avec ce petit orgue, je ne pouvais pas finir sans un peu de musique, et l'évocation des Concertos de Michel Corrette est évidente pour ce genre d'instrument...
Ici la version de Réné Saorgin, sur l'orgue Grinda de l'église d'Escarène; un seul clavier coupé en basses et dessus, et coloré à souhait.... typique de ce que l'on trouvait dans ces grands cabinets musiquaux du 18ème; superbe...