En ce 11 novembre 2018, pour les 100ans de l'armistice, je continue mes recherches sur les orgues qui ont soufferts de la première guerre mondiale... On parle toujours de Verdun et l'enfer de ses tranchées... et son orgue!??

Le buffet ne trompe pas son origine; nous sommes bien face à un Dupont (voir par exemple le superbe buffet de Nancy!

Commencé en 1762 par Nicolas Dupont, doté d'un buffet Louis XV et qui mesure environ 12 mètres (39 pieds) en largeur et d'une dizaine de mètres (30 pieds) en hauteur, il rappelle en effet celui de la cathédrale de Nancy érigé peu avant. Il est installé, en 1766, et comporte 44 jeux sur 4 claviers et pédalier dans la grande tradition classique.

Sauvé durant la Révolution par son organiste Spery, qui y interpréta des airs patriotiques, l'instrument subit de légers remaniements lors d'interventions par Jean-Baptiste Gavot en 1829 et par Jean-Nicolas Jeanpierre en 1868.

En 1897-98, l'instrument original est transformé selon l'esthétique symphonique par le facteur Théodore Jacquot, de Rambervillers, au coût de 50 000F. L'instrument fut ramené à trois claviers manuels mais doté de 54 jeux, d'une soufflerie électrique et accordé au diapason normal.
Le Grand-Orgue conserva sa composition primitive, le Positif étant maintenu au centre de la tribune, mais avec un Récit expressif entièrement neuf. L'instrument fut inauguré le 25 mars 1898.

(texte  Orgue en France)

La cathédrale située sur les hauteurs de la ville sera bien exposée aux tirs; mais l'orgue ne sera qu'endommagé et non détruit.

Mais... ou mais lors un démontage malencontreux à la hâte au printemps 1918 exécuté par un pseudo-facteur d'orgues, c'est là où l'instrument souffrit le plus dans un premier temps! La mécanique fut abîmée et les gros tuyaux métalliques, jugés trop encombrants, aplatis et roulés afin de pouvoir être expédiés, avec ceux de l'orgue de chœur!!!!!!!!!!!
En 1919, après un temps d’entrepôt dans un couvent, les caisses sont stockées dans la nef à ciel ouvert de la cathédrale, la pluie et la neige achevèrent de rendre inutilisables les éléments démontés dans la précipitation.

Décidément, la guerre ne suffit pas! Mais lors de ce temps de reconstruction et de pansage des plaies de la guerre, qu'est-ce qu'un orgue!???

Ainsi, on commanda en 1932, à la maison Jacquot & Fils, un orgue quasiment neuf derrière le buffet du XVIIIème siècle.
Le montage sur place commença en mars 1934 simultanément avec la réparation des boiseries, dans des conditions assez précaires, puisque la restauration du gros oeuvre et des vitraux n'était pas encore achevée.
L'instrument est de type post-symphonique, de 32 pieds, et de 64 jeux sur quatre claviers et pédalier. Il fut réceptionné le 1er février 1935. Marcel Dupré et l'organiste titulaire, le chanoine Pierre Camonin, inaugurèrent l'instrument classé "parmi les plus belles orgues de France", le 10 novembre 1935.

Le nouvel instrument ne comporte plus de Positif, la tuyauterie ayant été incorporée dans le grand buffet. Il ne subsiste plus devant la balustrade que la façade du Positif ancien et des tuyaux muets.
Après vingt ans de service sans entretien sérieux, l'orgue, qui avait, une seconde fois, subi des dommages résultant du fait de la Deuxième guerre mondiale: secousses lors du bombardement de la cathédrale, destruction des vitraux des fenêtres hautes de la nef, absence de chauffage, et surtout la présence de chauves-souris qui affectionnaient particulièrement les tuyaux d'anches pour y faire leurs nids.

En 1954, Jean Lapreste est chargé de préparer un programme de restauration qui sera approuvé le 13 mai 1958. Les travaux. confiés à la maison Jacquot-Lavergne, de Rambervillers, au coût de 2 730 000F et supervisés par Pierre Cochereau, furent complétés en novembre 1958.
Encore une fois, Marcel Dupré inaugura l'instrument restauré le 11 novembre 1958!!!!

Le buffet a été classé « monument historique » en mars 1980.

Après avoir envisagé une transformation totale de l'instrument suite à la sécheresse de 1976 qui l'avait condamné au silence, un simple relevage a été décidé et les travaux confiés, en 1986, à la maison Gonzalez qui a préservé son esthétique post-symphonique tout en installant une nouvelle console et en convertissant le Salicional 8' du Grand-Orgue en Quinte.

(texte Orgue en France)

A l'article précédent concernant la fabrication des tuyaux de Flûte 8 Traverso, j'avais présenté le montage des derniers et tout petits tuyaux; ainsi le Traverso dans sa partie chêne était terminé; il me restait à construire en épicéa Sol, Sol# et La de la deuxième octave; ensuite le dessous est en tuyaux bouchés.

Tout commence par la traditionnelle opération du tri... faut sortir les planches, et à partir d'une feuille de débit, optimiser le choix pour une découpe qui permettra une perte minimum.

Mon stock est dehors, mais bien à l'abri, et se porte bien!!!

Les planches sont alors débitées à la scie circulaire, mais une pour deux finales, puisque l'épaisseur attendue est de 7mm, donc dans du 27mm, je peux en sortir deux!

Déligner très proprement et précisément avec le matériel que j'ai est très difficile; du coup je suis passé par une entreprise de menuiserie amie, qui n'est pas très loin de chez moi, et en 10mn tout a été déligné super bien à la circulaire à réglage numérique!!!!

Et donc séance rabotage! Toujours long et fastidieux! Et bruyant! Du coup, j'avais de quoi faire 8 tuyaux, j'ai finalement raboté 5 tuyaux; le reste attendra plus tard! J'ai préparé aussi de quoi faire les socles, et les lèvres (en chêne, ça marche mieux!!)

La suite vous la connaissez.... confection des socles.... collage des cotés sur les socles, puis le fond....

Réalisation des bouches, les 3 Traversos et les 2 Bourdons Fa et Fa# qui devraient être à cheminée!!! La biseau est plus difficile à obtenir bien propre dans l'épicéa; le bois dont la différence de fil entre l'été et l'hiver est très franche, se taille ou découpe moins facilement que le chêne. Et même si l'épicéa pousse plus lentement que le sapin du Nord, j'ai pu constater  que pour la même largeur de bois le chêne est deux fois plus âgé que l'épicéa!!!

On voit les 5 tuyaux en attente de leurs façades; les bourdons sont de tailles plus menues, type Positif ou orgue coffre.

Les 3 derniers tuyaux de Traverso avec les autres en chêne.... je vais pouvoir préparer leur installation sur la chape, car ça finit aussi par tenir de la place stocké dans le garage!

Et puis lorsque le Positif sera fonctionnel au niveau mécanique, ça pourra jouer de suite!!!!

Lors d'une séance de rabotage de la suite des tuyaux, notamment la partie basse de Flûte bouchée, j'ai préparé une planche en chêne pour faire les lèvres; en chêne ça marche bien mieux; je ferai ainsi pour tous mes autres tuyaux en épicéa, dont les premières 6 Basse 8' déjà construits, et qui ont une lèvre en épicéa... pas très nerveux!!! Et le son est vraiment beau, quasiment pas de différence avec le chêne...

La suite, c'est bien-sûr les 56 autres balanciers...

Le travail est plus simple que pour la première moitié, car il s'agit simplement de faire le trou où la vergette se fixera (tige filetée), donc comme toujours pour permettre le mouvement, le trou est progressif coté vergette, le plus petit coté écrou...

Puis les axes centraux sont repris pour permettre le bon mouvement...

Tout comme pour l'autre moitié, les balanciers sont posés à leurs places respectives, sous une rondelle préalablement préparée, idem au dessus du balancier pour les maintenir souplement dans le mouvement...

Et ça a presque un coté graphique....!!!

L'ensemble est terminé, prêt à regagner l'intérieur de l'orgue. Les deux premières photos présentent les balanciers coté dessous, puis la troisième dans la position normale. Le peigne central qui positionne bien les deux rangs de balanciers les uns en face des autres, est fixé. on aperçoit les axes du peigne notamment sur la deuxième photo où ils dépassent...

On voit sur la première photo les crochets des 27 premières notes de la tirasse.

Les balanciers sont enfin dans l'orgue et le cadre fixé; vues par dessous, de coté depuis le coté #, et depuis l'arrière.

J'ai pu alors prendre toutes les cotes et relevés pour dessiner l'abrégé du positif (un prochain article, mais pas tout de suite!!)

Voici dans ma série sur les orgues et la Grande Guerre, un instrument qui a beaucoup souffert, et même plus que les deux autres présentés, puisque complémentent détruit, celui de la cathédrale de Soissons.

Il s'agissait d'un bel instrument, dit Clicquot, mais pas de l'unité et de la qualité de celui de Poitiers, ouf!, mais d'un orgue de cathédrale où de nombreux grand facteurs étaient passés... Thierry , Clicquot, Dallery, Merklin.....

Voici l'orgue dit "Clicquot" en 1914...

Son historique repris du site de l'Inventaire, comme de nombreuses photos... Ici à ce lien!

Les bombardements vont le détruire progressivement, atteint par des projectiles dès septembre 1914. Dans le courant du mois de juin 1915, l’architecte en chef Émile Brunet, venu prendre des mesures conservatoires en faveur du mobilier, ne peut que faire démonter quelques éléments du buffet; dont les vestiges du décor ci-dessous, parmi lesquels se remarquent les deux puissants atlantes des tourelles, sont aujourd'hui conservés au musée municipal... Finalement l’orgue est écrasé par la chute de la voûte de la tribune, au cours des opérations militaires de 1918.

On comprend mieux la situation en voyant cette vue générale et la façade occidentale de la cathédrale... (attention sur la photo générale c'est écrit Amiens! Cette dernière n'a pas été détruite de la sorte, c'est bien Soissons!).

On voit aussi que la dernière travée de la nef est la zone la plus atteinte.... pauvre orgue!!!

La cathédrale est alors restaurée, enfin reconstruite pour certaines de ses parties, et rendue au culte en 1931. Une reconstruction d'un grand orgue est bien évidement prévue, et c'est le grand facteur d'orgues du moment, à la mode, qui est pressenti, dès 1933, à savoir Victor Gonzalez.

Mais la seconde guerre éclate, et en 1950, il n'y a toujours pas d'orgue! Sur insistance de l’évêque et de l’organiste Henri Doyen, le concours est relancé; Gonzalez est retenu, et il signe là son dernier grand instrument.

Il est inauguré par Dupré en 1955.

L'instrument est parfaitement de style après-guerre, dans son dessin très minimaliste, mais que j'aime beaucoup (pourtant vous connaissez ma préférence pour des buffets ouvragés!); le dessin colle parfaitement avec l'édifice, s'intègre au point de s’effacer même....

L'orgue présente 67 jeux, une composition très néoclassique, la mécanique des notes assistée par une machine Barker.

Le 12 janvier 2017, une tempête défonce la rosace, et propulse les remplages et les vitraux dans l'orgue.... le sort s'acharne!!!!

A ma connaissance: l'orgue n'est pas classé, et pour l'instant la rosace est en cours de restauration. J'ai vu des échanges sur le net au sujet de cet orgue, où certains ne voient pas l’intérêt de restaurer un Gonzalez, on fait tellement mieux aujourd'hui!!!

Et bien non, et non!!! Il est urgent de se positionner sur le patrimoine organistique du 20ème siècle, avant de tout casser, et ne pas refaire ce que nos prédécesseurs ont fait pour des orgues baroques, puis des orgues romantiques, et aujourd'hui pour la facture d'orgues néoclassique!???

Il est évident que cet orgue tient une place de choix dans ce patrimoine du 20ème, de par sa qualité de construction, son harmonie, et son histoire même dans cette cathédrale martyrisée!!!

Dernière page consacrée au dessus de Traverso en chêne... avant de passer à la partie en épicéa!!!

A l'article 4, nous nous étions arrêtés à l'ouverture des bouches des tuyaux de Sol4 à Do5; jusqu'à Si4 ma bonne vieille méthode à la défonceuse fonctionne, mais la largeur des bouches arrivent sous le seuil fatidique des 10mm, donc je dois passer au ciseau à bois!

Enfin je construis les 6 derniers tuyaux, tout petits, Do#5 et de Ré#5 à Sol5, car le Ré5 faisait parti des tous premiers essais.

Ça devient vraiment petit; et du coup je ne gagne pas forcément plus de temps, car tout demande la précision; le moindre dérapage est fatal! Les socles sont trop petits, et la perce pour l'entrée du vent est vraiment très délicate; je ne sais pas comment j'en ai pas cassé un!!!

L'étape de l'ouverture de la bouche est très délicate; mais j'ai bien pris le coup de main; une vingtaine de minute par tuyau! Mais je suis toujours aussi mauvais pour bien affûter mon ciseau; il va vraiment falloir que je prenne un cours!!!

Mais bon je suis arrivé à ma fin!

Et voilà le travail: les 6 nouveaux tuyaux sont ceux décalés vers le bas, les deux autres sont Do et le Ré précédemment réalisés.

Je vais pouvoir envisager leurs installation sur la chape, maintenant que j'ai l'intégralité des tuyaux en chêne, c'est à dire 34 tuyaux, de Sib2 à Sol5.

Mais j'ai déjà commencé le débit (ci-dessous) des 6 suivants en épicéa, c'est à dire Sol2 à La2 Traverso, et Mi2 à Fa#2 Bourdon.

A suivre!